Je le reçois chez nous
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Comme si de rien n'était
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Et j’embrasse ses joues
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Comme s’il le méritait
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Je le traite comme si
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Je n' savais rien du tout
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Je cache mon mépris
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Je masque mon dégoût
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Puis je souffle à son lobe
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«Donnez-moi votre manteau»
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Et dans la garde-robe
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J' le place comme il faut
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Et je lui offre à boire
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Comme à toute la famille
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Je lui dis de s’asseoir
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Comme pour être gentille
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Alors il est bien là
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Au cœur du réveillon
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Avec maman, papa
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Mes sœurs et leurs fistons
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Et puis y a les cousines
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Et puis y a les plus vieux
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Et puis y a leurs copines
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Et de lointains neveux
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Et dire que des comme lui
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Ailleurs on les punit
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Ces faiseurs de délits
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Ces défaiseurs de lits
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Qui s’attaquent aux petits
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Qui menacent les nôtres
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Dès l'âge des Barbie
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Dès l'âge des chaises hautes
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Je suis là que j' l’accueille
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Ce sale prédateur
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J' m’assure d' l’avoir à l'œil
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Chaque seconde de chaque heure
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Et je n' suis jamais loin
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Quand il part au p’tit coin
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Je compte les gamins
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Je surveille et je crains
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D’avoir baissé les yeux
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Juste le temps qu’une fillette
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Se frappe au vieux monsieur
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En allant aux toilettes
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Et j’apprends à mon fils
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À n' pas devenir proie
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Et je fais la police
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Mais je ne l’appelle pas
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Je purge une sentence
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De trente ans de silence
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Depuis les confidences
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De mon amie d’enfance
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Qui m’a décrit mon oncle
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Dans ses moments de rut
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Elle tremblait de honte
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Elle me répétait «Chut»
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Elle m’a tant suppliée
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De n' le dire à personne
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Qu’alors moi j’ai juré
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Et revoilà cet homme
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Encore dans mon espace
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Bien assis dans ma chaise
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Personne ne sait c' qui s' passe
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Ou ceux qui l' savent se taisent
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Et dire qu’y a des comme lui
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Que l’on jette en prison
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Et qui s' prennent de jolies
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Brutales corrections
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Pourtant lui est ici
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Dans ma propre maison
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Et j' lui offre un whisky
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Avec des p’tits glaçons
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Et dire que des comme lui
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Ailleurs on les punit
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Ils passent menottés
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Penauds à la télé
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Et tout l' monde s’en réjouit
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En ce soir de Noël
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Et mon amie m’appelle
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Et dès qu’y s’ra parti
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J' la recevrai chez nous
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Comme depuis tout l' temps
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J’embrasserai ses joues
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Elle le mérite tant
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Il y a tant de comme elle
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Toujours en thérapie
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Il y a tant de comme lui
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Qu’on n' voit pas aux nouvelles
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Et moi, comme d’autres, moi
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J’accepte sa visite
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Il est un hors-la-loi
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Je suis une hypocrite
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Coincée entre un silence
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Où sommeille ma famille
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Et l'éternelle souffrance
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De ma vieille amie d' fille
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Il ressort de chez nous
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Comme si de rien n'était
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Tout souriant et tout saoul
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Il a même pas d' regrets
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Je masque mon dégoût
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Et j’attends mon amie
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Qui au départ du loup
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Vient me rejoindre ici
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Un peu comme une brebis
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À p’tits pas dans la neige
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Qui a peur, qui se protège
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Encore de l’ennemi
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Et dire que des comme lui
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Y en a plein les maisons
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Plein les messes de minuit
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Et plein les réveillons
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J’entends des p’tits chaussons
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Qui glissent derrière moi
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J' me r’tourne, y a mon garçon
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Dans son p’tit pyjama
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Y vient me dire bonne nuit
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J' lui dis «tu dormais pas ?»
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Et je vois mon amie
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Avoir un grand coup d' froid
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Et moi dans un frisson
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Qui n’en finira plus
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Je vois un p’tit camion
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Que je n’avais pas vu
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Dans sa main toute menue
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Sur son cœur innocent
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Ma promesse tenue, ma chère amie
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Je n' la tiens plus maintenant |