Tu avais le cheveu platine
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Tu n’avais pas très bonne mine
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Avec tes yeux de mendigot
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Et tu avais la voix fumeuse
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Tu avais la voix ténébreuse
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Et des accents de virago
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Pas de celles que tout distingue
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Tu balançais ton rire dingue
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Et de derrière les fagots
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Tu nous envoyais sans réclame
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Une amitié de haut de gamme
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Et qui sortait pas du frigo
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Luce, il fallait bien un tango
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Pour éponger tous les sanglots
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Qui te sont restés dans la gorge
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Tu pleurais ton alter ego
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Avec cet air dégueulando
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Que les peines d’amour nous forgent
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Depuis la fenêtre d’en face
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Tu débarquas un jour de grâce
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Et me déclaras tout de go
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«Je vais crever de solitude
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Et loin d’en prendre l’habitude
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Il me vient comme un vertigo
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L’amour de ma vie trop volage
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A carrément tourné la page
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Et sur mon cœur mis l’embargo
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J’ai beau le noyer dans mon verre
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Je me gratte et je l’exaspère
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Et c’est comme un impétigo»
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Luce, il fallait bien un tango
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Pour éponger tous les sanglots
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Qui te sont restés dans la gorge
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Tu pleurais ton alter ego
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Avec cet air dégueulando
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Que les peines d’amour nous forgent
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Quelque temps, tu donnas le change
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Et les connards que tout dérange
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Les beaux fabricants de ragots
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En te voyant exubérante
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Dirent bien que si l’oiseau chante
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Il est heureux mais, distinguo !
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Tu brûlais toujours pour le même
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Et s’il est vrai que, quand il aime
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Il se dresse sur ses ergots
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Dès qu’il n’aime plus, en revanche
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L’homme qu’on tire par la manche
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Se conduit comme un saligaud
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Luce, il fallait bien un tango
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Pour éponger tous les sanglots
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Qui te sont restés dans la gorge
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Tu pleurais ton alter ego
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Avec cet air dégueulando
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Que les peines d’amour nous forgent
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Enfin le dernier paragraphe
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Pour clôturer cette épitaphe
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J’aimerais le chanter largo
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Et qu’il résonne à tes oreilles
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Comme un carillon de bouteilles
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Si Dieu n’est pas un Ostrogoth
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Quand tu as compris, sans conteste
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Que la vie ou ce qu’il en reste
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Ce n’est pas un jeu de Lego
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On t’a retrouvée dans ta turne
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Où tu avais préparé l’urne
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Qui te servirait de cargo
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Luce, tu aimais les tangos
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Je t’en écrirais à gogo
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Si je pensais que ça soulage
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Cette noyade sans radeau
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Et ce funèbre glissando
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Dont tu fis ton dernier voyage
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Luce, il fallait bien un tango
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Pour éponger tous les sanglots
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Qui te sont restés dans la gorge
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Tu pleurais ton alter ego
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Avec cet air dégueulando
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Que les peines d’amour nous forgent
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Luce, il fallait bien un tango |