J’attends
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Imperturbablement, j’attends
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C’est une tâche à temps complet
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Me dérangez pas, s’il vous plaît
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J’ai besoin de toutes mes forces
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À ce règlement, pas d’entorse
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Il faut y donner tout son temps
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Ne dites rien, c’est important
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J’attends
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Non, je ne veux pas prendre un livre
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Ça pourrait m’empêcher de suivre
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Toutes les possibilités
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Qui font que l’on soit retardé
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Je veux dessiner les méandres
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De cette occupation d’attendre
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Et dévider les écheveaux
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Qui s’enroulent dans mon cerveau
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J’attends
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Indiscutablement, j’attends
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Comme le chasseur à l’affût
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Je ressens un trouble diffus
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C’est un métier, c’est une ascèse
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Une fièvre, une parenthèse
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Ça peut durer très, très longtemps
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Je ne lâche pas pour autant
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J’attends
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Non, je ne veux pas de musique
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Ça serait trop analgésique
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Il me faut, si je veux guetter
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Garder toutes mes facultés
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Je lorgne aussi le téléphone
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Je vais m'évanouir s’il sonne
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Cette voix que je n’attends pas
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Je vais l’insulter de ce pas
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J’attends
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Indestructiblement, j’attends
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Mon attente se modifie
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Devient une philosophie
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C’est mon yoga, c’est mon bréviaire
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Mon jogging et mon scapulaire
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C’est mystérieux, c’est exaltant
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Je ne sais plus ce que pourtant
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J’attends
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Je ne respire pas, je veille
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Je ne suis qu’une grande oreille
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Je n’ose plus bouger un cil
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Je sens un changement subtil
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Dans l’air qui vibre et qui palpite
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Je ne perçois plus mes limites
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Ne changez rien, c’est dangereux
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Vous savez les règles du jeu
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J’attends
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Irrésistiblement, j’attends
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Qu’on me prenne en flagrant délit
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De vagabondage ou d’oubli
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Que m’importe alors qu’on arrive
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On ne sait de quoi on me prive
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Je me dissous dans l’air du temps
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Moi, ce que j’aime tant, c’est quand
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J’attends
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Je ne connais rien de plus tendre
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Qu’attendre |