Le petit pêcheur gaspésien
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Suivait son père chaque matin
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Quinze ans et demi et déjà le pied marin
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Sous la lueur d’un vieux fanal
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Accompagné par les étoiles
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Prenait le large le vent dans les voiles
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Tous les jours son père lui disait
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Quand ils remontaient les filets
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Y’a tant de poissons dans le St-Laurent
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Qu’on en aura jusqu'à la nuit des temps
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Et au bout de quarante saisons
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Le paternel comme de raison
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Décida de jeter l’ancre pour de bon
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Le petit pêcheur gaspésien
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Qui n’avait plus rien d’un gamin
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Prit la relève du bonhomme haut la main
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Comme les pêcheurs des environs
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Il voulut prendre de l’expansion
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Troqua le vieux bateau pour un plus grand
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On ne peut pas arrêter le changement
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Le petit pêcheur gaspésien
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Roulait sa bosse avec entrain
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Dans les années soixante-dix et quatre-vingts
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Et pour mieux runner sa business
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Il prit avec lui ses deux fils
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Comme le père l’avait fait avec lui jadis
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La pêche était en plein essor
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C'était l'époque des grands records
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Ils revenaient chaque jour à marée basse
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Le bateau rempli de morues bien grasses
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Puis un coup dur pour la région
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Que de la brume à l’horizon
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On aurait dit qu’il y avait moins de poissons
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Partout on niait l'évidence
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Mais la rumeur courait dans l’anse
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Que l’on aurait surestimé l’abondance
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Comme il n’y a plus de morues
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Et que les prises diminuent
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Les scientifiques ont crié: halte-là!
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Il fallut vite imposer des quotas
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La morue reviendra bien vite
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Répétaient les plus optimistes
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Même si plusieurs allaient droit vers la faillite
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Beaucoup de jeunes gens de la place
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Découragés partirent en masse
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Y’a pas de jobs icitte qu’est ce que tu veux qu’on fasse?
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Quand on base une économie
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Toute sur une même industrie
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C’t’un peu comme mettre ses oeufs dans l’même panier
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On reste le bec à l’eau quand y’est vide
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Le petit pêcheur gaspésien
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Sent monter en lui le chagrin
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Quand il voit ses garçons exilés au loin
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Les deux ont les pieds bien au sec
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L’un à Montréal l’autre à Québec
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Plus jamais ils ne sentent l’odeur du varech
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Le poisson n’est jamais rev’nu
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Et son beau bateau fut vendu
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Il ne lui reste que le paysage
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Et ses souvenirs quelque part au large |