| Dans ma guérite à mi-chemin,
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| Entre la cour et le jardin,
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| Sous mon minable projecteur,
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| Je suis le premier spectateur.
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| Je suis souffleur.
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| Pendant que ceux d’en haut s’agitent,
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| Malgré leurs rhumes et leurs bronchites,
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| Moi je relis pendant deux heures
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| Un texte que je sais par cœur
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| … et moi seul, d’ailleurs.
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| Rodrigue n’est pas si mauvais,
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| Mais il joue vieux, il joue français.
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| Quant à Chimène, elle ferait mieux
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| De se faire faire un gosse ou deux.
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| C’est pas sérieux.
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| Tiens si j’avais joué à la place
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| De Don Diègue ou de Don Gormas,
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| On ne se serait pas ramassé
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| A Epinal au Colisée.
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| En voilà assez.
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| Moi, je veux brûler les planches,
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| Je veux prendre ma revanche
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| Et crouler sous l’avalanche
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| Des cris et des bravos
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| Que j’entends dans mon dos.
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| Grâce à moi la troupe entière
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| Va enfin faire une carrière.
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| Elle va être la première.
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| Mais y a ce con de producteur
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| Qui n’a jamais vu mon talent d’acteur
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| Ça me fait mal de voir ce vieux serpent
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| Plus qu’au trois-quarts gâteux
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| Lancer: «Rodrigue, as-tu du cœur?»
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| Comme il dirait: «Avez-vous l’heure?».
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| Je suis souffleur
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| Tiens, moi j’y mets rien qu’en soufflant
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| Beaucoup plus d'âme, plus d'élan.
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| Y a même des soirs où sans malice,
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| Les gens des premiers rangs frémissent,
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| Ils crient presque bis.
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| Moi, je veux brûler les planches,
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| Je veux prendre ma revanche
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| Et crouler sous l’avalanche
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| Des cris et des bravos
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| Que j’entends dans mon dos.
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| Je vois déjà des critiques,
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| Des papiers dithyrambiques,
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| Et personne ne s’explique
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| Comment ce con de producteur
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| N’avait rien vu de mon talent d’acteur.
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| Remarque que Don Diègue boit
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| … beaucoup… et même plus que moi.
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| Un jour il aura quelque chose de pas joli,
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| Le genre cirrhose.
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| Qu’il se repose.
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| Il y a quelqu’un tout près de lui,
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| Quelqu’un qui l’aide et qu’il oublie,
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| Qui a envie de prendre l’air,
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| De faire le chemin à l’envers,
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| De voir la lumière.
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| Et qui va brûler les planches,
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| Qui va prendre sa revanche,
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| Et crouler sous l’avalanche
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| Des cris et des bravos
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| Que j’entends dans mon dos.
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| Je me vois à l’avant-scène
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| Devant le public que j’aime
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| Saluant, et je vois même
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| Ce pauvre con de producteur
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| Venir me dire qu’il attendait mon heure. |