Dans les grandes maisons d’couture
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Y en a qui sont trottins
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Ou bien vendeuses et par nature
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Y en a qui sont mannequins
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Y en a qui font des corsages
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D’autres qui font des surjets
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Moi mesdames messieurs mon ouvrage
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C’est d’faire les robes en biais
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Pour bien biaiser une robe, ma foi
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Y en a pas deux pas deux comme moi
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Je suis biaiseuse chez Paquin
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Je biaise du soir au matin
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Les veillées c'était mon bonheur
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J’suis pas pour la journée d’huit heures
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Et le travail de nuit ne m’fait pas peur
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Je suis biaiseuse chez Paquin
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Pour mon métier j’ai le béguin
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Quand mes parents m’voient pas rentrer
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Y disent: «Y a pas à s’inquiéter
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Elle est encore en train d’biaiser»
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Quand j’entrai dans la partie
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C’fut une révolution
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Dès l’commencement je m’suis sentie
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Une très grande vocation
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La première fois comme d’usage
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Y eut du tirage un peu
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Mais quand j’eus perdu mon tirage
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Je m’y mis avec feu
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A mon métier je prenais goût
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J’voulais biaiser un peu partout
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Je suis biaiseuse chez Paquin
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Je travaille hors du magasin
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J’emporte de l’ouvrage quand il faut
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Je biaise en voiture en auto
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Une fois même j’ai biaisé dans l’métro
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Avec ardeur avec entrain
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Mais l’docteur qu’est v’nu l’autre matin
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M’a ordonné des tas d’sirop
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M’a dit qu’il fallait prendre du r’pos
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Ben…
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Il a trouvé que j’biaisais trop
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Je vais m’installer bien vite
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Me marier, quel bonheur !
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Avec un jeune homme plein d’mérite
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Qui est ouvrier plisseur
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Pour nous installer à l’aise
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Comme nous n’avons pas l’sou
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Je biaiserai d’abord sur une chaise
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Et lui plissera tout doux
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L’principal c’est qu’y ait pas d’retard
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Qu’on dise pas que je biaise en canard
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Je suis biaiseuse chez Paquin
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Mon homme plissera dans l’magasin
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C’est ça qui s’ra gentil ma foi
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On fera tout l’ouvrage chez moi
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En s’entraidant comme chacun le doit
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Avec ardeur avec entrain
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Nous nous partagerons l’turbin
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Afin de n’pas nous esquinter
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Sitôt qu’j’aurai fini d’biaiser
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C’est lui qui s’mettra à plisser |